Chapitre 17

Jusqu’au jour où une petite fille ouvre la porte.
La petite fille regarde partout. Elle grimpe sur une chaise. Elle voudrait boire un chocolat. Sa maman lui demande si elle veut manger quelque chose. Elle descend de sa chaise. Elle sautille jusqu’au comptoir. Sur un pied. Sur deux pieds. Elle s’arrête. Elle dit qu’il y a une marelle dessinée le carrelage. Sa maman sourit.
De l’autre côté du comptoir, le boulanger secoue la tête. Les enfants sont des enfants. Ils n’arrêtent pas de courir et de sauter. Ils voient des marelles partout. Ils ne pensent qu’à jouer et à mettre leurs doigts remplis de sucre sur la vitrine ou sur le panneau de verre qui protège les pâtisseries.  Le boulanger prépare déjà son chiffon pour effacer les traces de doigts.

La petite fille traverse la salle à cloche-pied. Elle chantonne. Elle a de longs cheveux brillants. Elle s’arrête pile devant le présentoir pas plus haut que trois pommes. Elle regarde sans toucher. Elle ne pose aucun doigt sur la cloche de verre. Elle regarde les trois parts de gâteau. La couche de crème épaisse. Elle approche son visage. Son nez tout près de la paroi de verre. Elle fait une horrible grimace. Elle crie :
_ Berk ! Maman, Maman ! Viens voir !  Vite ! C’est dégoûtant.
La maman s’approche de la petite fille. Elle lui dit de ne pas crier. De ne pas dire c’est dégoûtant en montrant les gâteaux à la crème que le boulanger a fabriqués.
_Oui, mais maman, les gâteaux sont beaucoup trop gros. Et moi je déteste la crème fraîche, tu sais bien. Alors non, je ne veux rien manger. Je préfère boire un chocolat.

Et la petite fille traverse la salle en sautillant. Elle s’assied près de la vitrine, là où on voit les passants. Elle reste assise en attendant son chocolat. Elle chantonne. Son chocolat arrive et elle le boit. Elle reste assise. Pas une seule fois elle dit « Maman, regarde ! » en appuyant son doigt sur la vitre.
Elle boit son chocolat.
Quand elle a terminé, elles se lèvent. La petite fille s’en va en sautillant.
En refermant la porte, la maman dit : « Au revoir et merci. »

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Chapitre 25

Assis tout au bout du comptoir, le boulanger attend. 
La petite fille qui n’aimait pas la crème chantilly regarde son éclair rouge et blanc. Elle trouve ça très joli, ces deux traits rouges et ce trait blanc. Elle dit maman, regarde : on dirait de la crème fraîche et moi je n’aime pas la crème fraîche, c’est beaucoup trop épais. D’ailleurs je n’en ai jamais goûté. Sa maman répond que pour les éclairs, on utilise de la crème pâtissière. Normalement.

Alors, la petite fille enfonce la cuillère dans la croûte fine de la pâte à chou, à travers la crème légère. Elle porte la cuillère à sa bouche et là, mille bulles de crème chantilly éclatent dans sa bouche. Mille bulles glacées qui se mélangent  à la saveur ensoleillée de la tomate. Mille bulles qui fondent et lui montent à la tête. La petite fille ferme les yeux. Elle dit maman, c’est merveilleux. Maman, il faut que tu goûtes.

Alors, la maman prend un peu de pâte à chou et un peu de crème. Elle porte la cuillère à sa bouche et c’est magique : la maman sourit et ferme les yeux. Elle dit, ça alors ! C’est surprenant. Non, ce n’est pas de la crème pâtissière. C’est bien de la crème chantilly, mais de la crème chantilly qui aurait été fabriquée par une fée ou par un magicien. De la crème chantilly qui aurait mangé des étoiles. La petite fille termine son éclair. Elle boit son chocolat. Au moment de partir, elle s’approche du boulanger, de l’autre côté du comptoir. Elle lui dit qu’elle a tellement aimé le goût de la tomate dans mille bulles chantilly. Que c’était comme si elle avait mangé un petit bout de l’été. Elle lui dit merci, merci beaucoup. Ensuite, elle revient vers sa maman.
_ Dis maman, est-ce que nous reviendrons demain ?

Chapitre 27

Le lundi suivant, à cinq heures du matin, le boulanger monte sur une échelle.
Il prend son panneau terminé. Il a percé quatre trous dans le mur. Il ne reste plus qu’à visser. Quand il a terminé il descend. Il n’y a personne à cette heure, dans le petit matin bleu. Pour mieux voir, il prend un peu de recul. Le boulanger sourit.  Au-dessus de la porte, en lettres rouges sur un fond blanc crème, la nouvelle enseigne dit :


Ensuite, devant la porte d’entrée, il installe un panneau noir où le peintre a écrit en belle lettes blanches :

Petit à petit, ils arrivent : les enfants, les parents, les grands-parents, tous les habitants de ce quartier de Paris. Et au milieu de la foule, la petite fille qui n’aimait pas la crème chantilly avec sa sœur et sa maman.

A l’intérieur de la boulangerie, les murs sont repeints de frais en blanc crème et pimpants. Sur chaque table et chaque étagère, le boulanger a disposé des assiettes blanches. Dans chaque assiette, trois éclairs et un billet rose. Un billet rose où il est écrit, en lettres capitales :

     
Merci à Hannah, Clara et à Isabelle.

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