Chapitre 11

Le boulanger fatigué a beaucoup observé les enfants.

Le boulanger a remarqué que les enfants sont petits. Pas plus hauts que trois pommes. Les plus petits à la hauteur des genoux. Les plus grands à la hauteur du ventre ou juste sous le cou.
Alors, le boulanger a pensé à un présentoir en bois et au-dessus, un couvercle de verre. Une grande bulle transparente pour attirer les doigts des enfants. Le boulanger a dessiné un plan avec des dimensions pour la longueur, la largeur et la hauteur. Il est allé voir le menuisier, de l’autre côté de la rue. Il a dit au menuisier : « Je voudrais un socle en bois pour faire un présentoir à gâteaux. » Le menuisier a regardé le plan et il s’est gratté le front. Il a dit au boulanger : « Vous savez très bien fabriquer les gâteaux. Mais les présentoirs, c’est de la menuiserie et pas de la pâtisserie. Chacun son métier. »
Le boulanger a insisté. Le menuisier aussi : « Mais enfin, votre présentoir, il est pas plus haut que trois pommes. Vous allez devoir vous asseoir par terre pour soulever le couvercle et attraper les gâteaux. Vous allez vous faire mal au dos. » Le boulanger a dit que son dos allait très bien, merci. Que sur le plan, il avait indiqué la bonne hauteur. Que si le menuisier ne voulait pas fabriquer un présentoir à gâteau haut comme trois pommes, alors il trouverait un autre menuisier.

Le menuisier se met au travail en maugréant. On n’a jamais vu un présentoir à gâteau haut comme trois pommes. Les boulangers devraient rester dans leur boulangerie Les menuisiers dans leur menuiserie.  À chacun son métier. Et quand le menuisier renfrogné lève les yeux, il voit de l’autre côté de la rue le boulanger fatigué qui l’observe. Il voudrait bien lui faire des grimaces, mais un menuisier ne fait pas de grimaces. Un menuisier fabrique des choses sérieuses pour des gens sérieux. C’est ce que pense le menuisier renfrogné.
Un soir, il a terminé. Le présentoir ridicule est posé sur l’établi avec la cloche de verre par-dessus. Il appelle le boulanger qui traverse la rue en courant. Le boulanger est très content. Il a même un sourire pâle sur son visage fripé. Il traverse deux fois la rue : une fois avec le présentoir haut comme trois pommes et une fois avec la cloche de verre. Il veut être sûr de ne rien casser. Le boulanger revient une troisième fois. Avec un gros gâteau qu’il dépose sur l’établi. Le menuisier dit merci, mais on sent bien qu’il est très contrarié.

Un présentoir haut comme trois pommes. Une vrai idée de boulanger.

Publicité

Auteur : Nicolas Esse

Depuis 1962, je regarde les nuages qui passent avant d'aller mourir.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :