Assis sur son tabouret, le boulanger ne bouge pas.
Il regarde la porte qui s’est refermée. Il regarde le présentoir haut comme trois pommes et les trois parts de gâteau sous la cloche de verre. Ses yeux fatigués et ronds reviennent sur la porte, sur le présentoir, sur les gâteaux. De plus en plus vite. La porte. Le présentoir. Les gâteaux. La porte. La porte. Les gâteaux. La porte. Le présentoir. La porte. La porte. LA PORTE.
Il est sûr que la petite fille va revenir. Qu’elle va ouvrir la porte. Aller tout droit vers les gâteaux. Qu’elle appuiera son index sur la cloche de verre. Qu’elle dira : « Je voudrais celui-là. » C’est obligé. Le boulanger a tout bien préparé. Tout bien calculé. La hauteur. La longueur. La crème si légère qu’on peut voir à travers. C’est bien sûr qu’elle va revenir.
La petite fille ne revient pas.
Assis derrière sa table, tout au bout du comptoir, le boulanger attend. C’est la fin de la journée. Les derniers clients s’en vont. Le boulanger se lève. Il fait le tour de la salle. Il monte les chaises sur les tables. Il prend son balai. Il prend son chiffon doux. Il nettoie le panneau de verre qui protège la vitrine. Le boulanger balaie. La boulangère lui dit qu’il est temps de rentrer. Il répond qu’il va rester encore, qu’elle peut rentrer à la maison.
Quand tout le monde est parti, le boulanger s’assied à sa place, sur son tabouret tout au bout du comptoir.
Dehors le soir tombe.
Dedans, le boulanger attend.
Il attend la petite fille qui ne revient pas.